«Acquittée : je l'ai tué pour ne pas mourir» d'Alexandra Lange

Publié le par Serial Reader

«Acquittée : je l'ai tué pour ne pas mourir» d'Alexandra Lange

Alexandra Lange a tué son mari. Pourtant, cette mère de quatre enfants n'est pas une meurtrière. Pas aux yeux de la Justice. Poursuivie pour meurtre, elle a été acquittée par la cour d'assises de Douai, le 23 mars 2012. Une première dans l'histoire judiciaire. D'autant plus que c'est l'avocat général lui-même qui a requis l'acquittement.

À l'origine de ce procès historique, la même histoire que vivent des milliers de femmes. Le coup de foudre, les promesses d'amour éternel, le mariage, souvent les enfants puis les coups. Le Prince Charmant tombe le masque et redevient crapaud. Alexandra Lange a 17 ans lorsqu'elle rencontre son bourreau, Marcelino, de 14 ans son aîné, appartenant à la communauté des gens du voyage. Elle se met rapidement en ménage avec lui, quitte à se brouiller avec sa famille. Mais le bonheur finit par laisser place aux injures, aux humiliations et aux coups. La vie d'Alexandra se transforme en cauchemar. Elle qui se rêvait en mère de famille épanouie, la voilà transformée en femme battue. Marcelino se révèle être un homme violent et alcoolique . Comme toutes les femmes battues, Alexandra se raccroche à l'espoir qu'il changera mais la situation s'aggrave. Elle fuit une première fois puis revient. L'accalmie sera de courte durée. Les coups reprennent. Marcelino ira jusqu'à l'obliger à se prostituer !

Alexandra supportera son calvaire de longues années jusqu'au soir fatidique où, lors d'un accès de rage particulièrement violent de son mari, elle saisira un couteau qu'elle lui plantera dans le cou, le tuant presque instantanément. C'est cet acte qui la conduisit jusque devant la cour d'assises de Douai. D'un point de vue strictement juridique, c'est un meurtre. Alexandra encourt 30 ans de réclusion criminelle mais elle sort acquittée, le jury ayant suivi les réquisitions de l'avocat général. Elle a été reconnue avoir été en état de légitime défense, cause d'irresponsabilité pénale.

Ce qui est important à souligner dans cette affaire, c'est le rôle qu'a joué l'avocat général. Dans l'imaginaire populaire, l'avocat général ou le procureur est le grand ennemi de l'accusé, c'est l'accusateur public qui requiert les peines. Or, quelle est sa fonction première ? Celui de défendre les intérêts de la société dans son ensemble. Lorsqu'une infraction est commise, certes elle concerne en premier lieu la victime, celle qui a eu à souffrir du dommage, mais également la société car c'est une atteinte à l'ordre public qui la fédère. C'est donc le procureur qui plaide en sa faveur, c'est pourquoi on le nomme aussi "avocat général" car il défend la société et ses intérêts.

Dans l'affaire en l'espèce, il a considéré que bien qu'elle ait tué son mari, Alexandra était la victime, une victime que la société n'a pas su protéger. Ce qui l'a poussée à ce geste fatal, ce sont des années de coups et la peur réelle que ce jour-là, son mari allait la tuer. C'est un réquisitoire qui demande du courage, audacieux peut-être mais juste sûrement. En effet, peut-on condamner une femme battue pendant des années, elle ainsi que ses enfants qui ont eu à subir leur part de coups, à craindre pour sa vie et se défendre en circonstance ? Moralement non, ni même juridiquement puisque la légitime défense, cause d'exonération de la responsabilité pénale, a été retenue.

À travers ce témoignage, Alexandra Lange nous livre un regard intérieur sur les violences conjugales, elle nous montre l'emprise que peut avoir un mari violent sur sa femme et qui l'empêche de partir dès le premier coup.

Acquittée : je l'ai tué pour ne pas mourir
Alexandra Lange
Éditions J'ai Lu - 6 €

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